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Oeuvre du mois - Joseph Dreppe

Joseph Dreppe, un préromantique liégeois à Rome


Joseph Dreppe 
(Liège, 1737-1810)


La Chute des Anges, 1761
Encre noire, lavis avec rehauts blancs sur papier
56,3 cm x 42,7 cm
Ancienne collection du chanoine Hamal
BA.CED.23a.1799.25356 (ancien n° KD 119/1)
C photo Ville de Liège

Artiste aux multiples facettes, Joseph Dreppe se définit lui-même comme « peintre, décorateur et graveur de la municipalité de Liège ». Personnalité engagée, controversée, ardeur défenseur du patrimoine liégeois, Dreppe se révèle aussi et surtout un maître incontesté de l’art du lavis. 

Issu d’une famille de graveurs dont son père Jean-Noël et son frère Louis, Dreppe apprend le dessin dès l’âge de 15 ans chez le peintre Jean Latour, avant de se rendre à Rome, grâce à une bourse de la Fondation Darchis. Durant quatre ans, de 1758 à 1761, il bénéficie d’un apprentissage très bénéfique chez le peintre Costanzi, puis chez Laurent Pêcheux, considéré comme étant le premier dessinateur de Rome. Il y côtoie de nombreux Liégeois boursiers également, dont Henry Deprey, Jean-Joseph Seinte, François Bernard Râcle et surtout Léonard Defrance, avec qui les liens se poursuivront dans leur cité natale lors d’épisodes mouvementés.

C’est dans la Ville éternelle que l’artiste réalise ses plus beaux lavis, inspirés de monuments emblématiques, de ruines et de paysages urbains entourés de nature sauvage. La majorité d’entre eux proviennent de la collection du chanoine Hamal (Liège, 1744-1820), lequel a rassemblé à Rome et ailleurs plus de dix mille œuvres sur papier, consciencieusement conservées et annotées de précieuses informations. 

La Chute des Anges

Le dessin titré La Chute des Anges est sans conteste le dessin le plus baroque de toute la production de Dreppe. Il apparaît comme le point d’orgue de sa période romaine. Non seulement il est signé de la main de l’artiste – fait rarissime – mais il est aussi daté de 1761 par Hamal. Les deux inscriptions corroborent la réalisation du dessin à Rome : celle de l’artiste au recto, « Dreppe invenit in Roma » et celle du collectionneur au verso, « Josephus Dreppe Leodius fecit in Roma 1761 », ce qui correspond à la quatrième et dernière année du séjour en Italie. Dreppe a alors 24 ans.
La technique utilisée est un lavis d’encre noire avec rehauts blancs. Le support est un épais papier jaunâtre, d’un format supérieur à la moyenne et présentant une pliure en son milieu. 

Au sommet de la pyramide, la figure menaçante de Dieu le père domine le groupe des anges qui dégringolent en cascade, pour frapper énergiquement les anges rebelles, les bannis du paradis pour avoir désobéi à Dieu. Cette scène biblique populaire est issue de l’Apocalypse et illustre la lutte entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. Une impression générale de grand chaos se dégage : les drapés, les ailes, les membres, tout semble se fondre dans une débauche de corps entremêlés, s’écrasant les uns sur les autres. Avec habilité, le dessinateur recourt à un trait spontané à peine esquissé, à des contrastes affirmés au niveau des noirs et des blancs et à une composition fouillée tout en étant structurée.   

L’artiste semble profiter pleinement de la liberté offerte par ce thème propice à l’exacerbation et au lyrisme. Il s’impose ici comme un véritable préromantique visionnaire.  

À son retour au bercail, privé de l’ambiance stimulante des ateliers romains, en mal d’inspiration, Joseph Dreppe se consacre à d’autres tâches, et notamment à l’enseignement. Membre de la Société libre d’Emulation, il fut nommé professeur à l’Académie de peinture en 1784 par César-Constantin-François de Hoensbroeck (1724-1792), avant-dernier prince-évêque de Liège, avant de se rallier par après au nouveau régime issu de la Révolution française.

Régine Rémon
Conservatrice honoraire du Musée des Beaux-Arts

Eléments bibliographiques : 
Régine Rémon, catalogue de l’exposition Joseph Dreppe, un précurseur romantique à Rome et à Liège, Liège, Cabinet des Estampes et des Dessins, 2010.
Jean-Luc Graulich, Joseph et Louis Dreppe, artistes liégeois 1737-1810 et 1739-1782, mémoire de licence inédit, Université de Liège, 1978-1979.