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Nos Oeuvres du mois d'avril

LES GRANDES ETENDUES DE JEAN PAUL RIOPELLE


 

© photo Musée des Beaux-Arts de Liège – La Boverie / DR


Jean Paul Riopelle 
(Montréal, 1923 – L’Isle-aux-grues, 2002)
Madawaska, 1975
Huile sur toile, 
81 x 100 cm
Inv. BA.WAL.05b.1981.21686
Donation Fernand Graindorge en 1981
Dépôt de la Fédération Wallonie-Bruxelles 

 

 

 




Artiste canadien prolifique, Riopelle s’essaie à toutes les techniques, peinture, gravure, sculpture...
Voyageant de la figuration à l’abstraction, il vit entre Paris et ses terres québécoises.
Très jeune, l’artiste Henri Bisson lui apprend les rudiments du métier. Il peint surtout des paysages, des personnages et des natures mortes. Dès 1942, il se forme à l’Ecole des Beaux-Arts de Montréal et à l’Ecole du Meuble.

Il rejoint les Automatistes l’année suivante. S’appuyant sur les fondements du surréalisme, ce groupe d’artistes s’en détache en donnant priorité à une approche intuitive de la création. D’un point de vue formel, leurs œuvres s’approchent de l’abstraction lyrique. En 1947, il s’installe à Paris et fréquente assidûment les artistes locaux d’importance. Il signe d’ailleurs le texte Rupture inaugurale, solidairement avec André Breton et le groupe des surréalistes.
Les années cinquante sonnent quant à elles la décennie des « mosaïques » qui se caractérisent par un travail à la spatule, créant des empâtements aux couleurs juxtaposées. La matière est littéralement sculptée et sa force expressive se renforce par une rythmique soutenue et pleine de vie. Reconnu pour ses talentueuses créations, l’artiste expose à la Biennale de Venise en 1954, à São Paulo, et Pierre Loeb, célèbre galeriste parisien, lui achète une bonne part de sa production. Cette visibilité importante est une première reconnaissance.

Ses succès se perpétuent dans les années soixante et plusieurs expositions sont organisées outre-Atlantique mais également en France. Il obtient ensuite une commande remarquable pour l'aéroport de Toronto d’une toile de grande taille intitulée Point de rencontre (426 × 549 cm). Son plus grand format. Le gouvernement canadien en fera don à la France en 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française. Elle se trouve actuellement à l’Opéra Bastille. Fin de la décennie, il s’adonne à la sculpture et introduit dans son œuvre des figures animales. En 1967, le Musée national des beaux-arts du Québec organise une grande rétrospective de l’artiste.

Durant les années septante, Riopelle diversifie sa technique et peint régulièrement sur des supports en papier, sans délaisser pour autant le travail sur toile. Il s’adonne également à la céramique en collaboration avec Hans Spinner. Technique qu’il explorera jusque dans les années 1984-1985. L’année suivante, sa fille entreprend d’établir un catalogue raisonné de son œuvre. En décembre 1991, le Musée des beaux-arts de Montréal présente une importante rétrospective, tandis que l’artiste travaille principalement au Canada. Jean Paul Riopelle s’éteint le 12 mars 2002, en sa résidence de l’Isle-aux-Grues. Des funérailles nationales sont célébrées en son honneur.

Madawaska

L’œuvre des collections du Musée des Beaux-Arts s’intitule Madawaska et date de 1975. Elle en appelle à la technique dite « mosaïque » où les empâtements colorés s’imbriquent pour donner une composition rythmée et en relief. Madawaska est une région au Nord-Est de l’Amérique du Nord, comprise entre les U.S.A et le Canada. On y parle français et les paysages se caractérisent par de grandes étendues de forêt. Sans détailler les contours d’un paysage net, l’huile sur toile Madawaska renvoie à ces forêts primitives et denses par ses dominantes de vert et son travail sur la matière. Le chatoiement des coloris rappelle par ailleurs le décliné de tons automnaux caractéristiques de ces contrées. Partagé entre son atelier de Paris et celui de Sainte-Marguerite, proche banlieue de Québec, le peintre dépeint les paysages qui lui sont chers et qui se trouvent à une centaine de kilomètres à peine de son atelier. 
La collection Graindorge regroupait une dizaine d’œuvres de Jean Paul Riopelle, depuis une aquarelle de 1955 jusqu’à Madawaska, mise en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Liège en 1981.

Grégory Desauvage
Conservateur / Musée des Beaux-Arts

 

L’ETOILE NOIRE, UNE BIO’ GRAPHIQUE


 

© Mains libres, Marc-Renier & Philippe Girard / DR

Marc-Renier (Cologne, 1958) & Philippe Girard (Québec, 1971)
L’Etoile Noire, planches 74 à 79, 2024
Technique mixte (mine de plomb, marqueurs gris froids Winston & Newton, acryliques) sur papier Canson, 28,3 x 21 cm
Propriété de l’artiste, en prêt aux Fonds patrimoniaux/Archives de la bande dessinée

 

 



Les auteurs de bande dessinée Marc-Renier et Philippe Girard se rencontrent à l’occasion du « Festival Québec BD 2019 ». En repérage dans la région pour la réalisation d’un album, Marc-Renier retourne à Québec dès l’été, pour une résidence d’auteur.
Le projet de L’Etoile Noire prend alors forme : une bande dessinée consacrée à Jean Paul Riopelle dont le milieu culturel québécois s’apprête à célébrer le centenaire, mais aussi à Paul-Émile Borduas, son professeur et rival. L’Étoile noire est aussi l’aboutissement de la résidence d’auteur que le Québécois Philippe Girard effectue en Belgique en 2022. Synthèse de la relation entre Riopelle et Borduas, ce livre cristallise aussi la rencontre entre deux univers d’auteurs qui fusionnent le temps d’une histoire et célèbrent l’amitié belgo-québécoise. En mars 2024, c’est un roman graphique de 180 pages que Marc-Renier achève de dessiner. Pour servir parfaitement le scénario ciselé de Philippe Girard et en rendre la justesse historique et artistique, il revient par vagues successives sur l’ensemble des planches.

L’histoire débute en 1943 alors que Riopelle est un jeune étudiant à l’École du meuble de Montréal et qu’il fait la connaissance de Paul-Emile Borduas. Rapidement, les deux hommes se lient d’amitié, unis dans leur désir de briser le carcan social qui étouffe le Québec. Avec les Automatistes, ils signent Le Refus global, en 1948. Ce manifeste radicalement dressé contre les valeurs traditionnelles prégnantes dans la culture et la société québécoises est déjà l’étincelle de la Révolution tranquille, qui fera entrer le Québec dans la modernité. Elle vaut à Borduas son exclusion de l’enseignement et son exil aux Etats-Unis, tandis que Riopelle est à Paris, en pleine ascension. 

Autour de ces trajectoires en miroir se construit le récit de L’Etoile Noire, dont les planches 74 à 79 ici présentées constituent en quelque sorte la clé de voûte. La séquence se situe à Saint-Fabien-Sur-Mer, en 1944-1945, une période charnière dans l’évolution du jeune Riopelle qui délaisse le style académique appris auprès de son professeur Henri Bisson pour se laisser de plus en plus influencer par Paul-Émile Borduas. Pour exprimer son propos, le passage entre la figuration et l'abstraction, Marc-Renier recourt aux six tonalités de gris froid des marqueurs Winston & Newton. Leur double pointe, dont l’une est biseautée, lui permet de traduire dans son trait le geste du peintre quand les couleurs acryliques des toiles tranchent sur la trame de l’histoire. Entre le fonds et la forme, se dessine ici la matière toujours vivante de L’Etoile noire, attendu en 2024 aux éditions montréalaises Mains libres.

Fabien Denoël
Conservateur / Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège