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Jean Messagier, Transamazonienne

Entre abstraction, paysage, et militantisme écologique

 

Jean Messagier (Paris, 1920 – Montbéliard, 1999)
Transamazonienne, 1974
Aquatinte et pointe sèche, 630 x 905 mm
BA.CED.23b.2019.006500
Achat de la Fondation Liège-Patrimoine à la galerie Catherine Putman
Dépôt au Musée des Beaux-Arts, 2019.


 

À travers cette estampe intitulée Transamazonienne, un nouvel artiste vient enrichir les collections du musée des Beaux-Arts de Liège, il s'agit de Jean Messagier (Paris, 1920 – Montbéliard, 1999).

Fréquemment rattaché à l’École de Paris dans l’après-guerre, on qualifie confusément Jean Messagier d’ "abstrait lyrique" ou de "tachiste". Lorsqu'on lui demande de désigner son travail, il ne se prononce pas. Ce qu'il souhaite avant tout, c'est sortir du rang, déranger, bousculer, étonner et occuper une place "là où on ne l'attend pas". Messagier est avant tout un artiste éclectique, qui se diversifie sans cesse dans les formes artistiques qu'il pratique : sculpture, gravure, tapisserie, et même musique et poésie...

Les débuts de Jean Messagier, peintre de formation mais également graveur et sculpteur, se marquent par une peinture figurative, influencée par le post-cubisme. Dès le milieu des années 1940, il s'intéresse à l'abstraction et représente des « paysages abstraits », détachés de toute convention figurative. C'est dans les années 1960 que son abstraction atteindra une certaine liberté gestuelle qui caractérise sa production picturale. Après les années 1980, Messagier connaîtra un retour à la figuration, teintée de notes surréalistes.

Âgé d'une vingtaine d'années, le jeune artiste se révèle au public dans les galeries et les salons parisiens, notamment au Salon d'Automne de 1948, et aux Salons d'Octobre de 1952 et 1953, dont il devient l'un des membres fondateurs. Il expose également à la galerie Arc-en-Ciel et à la galerie Babylone (Paris). En 1962, il représente la France à la Biennale de Venise, la même année que Serge Poliakoff et André Marfaing. En 1965, il expose à la Biennale d’art de Saõ Paulo.

L’oeuvre choisie pour compléter les collections des Beaux-Arts se rattache à la période abstraite lyrique des années 1960-70 de l'artiste. S'y retrouvent les formes amples et les enroulements caractérisés par cette spontanéité du geste, modus operandi dès le milieu des années 1960.

Par dessus les légers traits sinueux verts désordonnés, une épaisse ligne droite violette traverse la composition en diagonale. En 1974, le sujet fait la « une » des journaux : le gouvernement brésilien, désireux d'exploiter l'Amazonie, s’engage dans d’importants travaux de réseaux routiers reliant les Andes et l’Amérique centrale et établit la Transamazonienne. Un premier tronçon de 2500 km est inauguré en 1972 ; le second, qui relie la forêt au port de Santarem, s’ouvrira deux ans plus tard, en 1974. Dès les années 1970, Jean Messagier exploite certains thèmes brûlants de l'actualité. Il se distingue en effet par son militantisme écologique qu'il transpose vers son « paysagisme abstrait ».

L’oeuvre graphique de Messagier est extrêmement féconde ; elle s’étend depuis les années 1950 jusqu’en 1974. Cette gravure fait partie de ses dernières productions imprimées. Il s’agit d’une épreuve d’artiste (« E.A » mentionné sous l’estampe), c’est-à-dire un tirage hors numérotation, réservé à l’usage de l’artiste. Il semble qu’il existe au départ 50 tirages numérotés de la Transamazonienne.

L'estampe été achetée à la galerie parisienne Catherine Putman, par la Fondation Liège-Patrimoine en décembre 2019. Cette galerie a la particularité de mettre en évidence l’oeuvre originale sur papier d'artistes français contemporains de renom comme Arman, Pierre Alechinsky, Bram van Velde, Reinhoud ou encore Jean Messagier. Catherine Putman (1949-2009) ouvre sa propre galerie d’art en 2005, et y présente aussi bien des oeuvres autoréférentielles que des oeuvres inscrites dans l’élaboration d’une autre oeuvre (esquisses, croquis, modélisations…) Catherine est la seconde épouse de Jacques Putman (1926-1994), collectionneur, éditeur et critique d’art belge, qui édite les estampes de ces artistes contemporains. Jacques Putman est reconnu dans le monde des graveurs comme celui qui lança le concept de l'estampe originale vendue à prix démocratique (notamment via les grands magasins « Prisunic »). À la mort de son mari, en 1994, Catherine Putman poursuit le travail d’édition engagé par ce dernier, proposant ainsi des multiples et éditions limitées (gravures, lithographies, sérigraphies, xylographies…) dans sa galerie.

 

Fanny Moens

Conservatrice au Musée des Beaux-Arts de Liège